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Allocution de la vice-première ministre et ministre des Finances devant le Forum mondial de Toronto : le plan de relance économique du Canada en réponse à la COVID-19

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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Bonjour.

Je remercie le Forum mondial de Toronto de m’avoir invitée aujourd’hui.

Permettez‑moi tout d’abord de vous dire ce dont je ne parlerai pas aujourd'hui.

Je ne vous présenterai pas un bilan détaillé de toutes les mesures que notre gouvernement a prises jusqu'à maintenant pour lutter contre la pandémie de la COVID-19. Et je ne vous décrirai pas en détail nos plans économiques pour les prochains mois.

Je ne ferai pas non plus de projections budgétaires pour les années à venir. Notre gouvernement s’est engagé à présenter des projections budgétaires cet automne, et nous le ferons bientôt.

J'ai plutôt l'intention de vous parler aujourd'hui des motifs économiques derrière notre réponse à cette pandémie mondiale et de la stratégie sur laquelle s’appuie notre plan échelonné d’une relance solide et durable en réponse à la récession liée au coronavirus.

Depuis le printemps, nous avons été aspirés dans une tempête et forcés de naviguer en eaux inconnues. Toutefois, notre gouvernement a un plan. Nous avons une boussole. Nous savons comment nous rendre à bon port et quoi faire lorsque nous y serons.

Vous connaissez déjà l’essentiel de notre politique.

Elle consiste à mettre en place toutes les mesures nécessaires afin de protéger la santé, les emplois et le niveau de vie des Canadiens, de nous débarrasser de la COVID-19 aussi rapidement que possible et, ensuite, de favoriser l'établissement de l’économie la plus forte, la plus résiliente, la plus innovatrice, la plus compétitive à l’échelle mondiale et la plus inclusive possible.  

Nous avons mis en place des mesures vigoureuses pour aider les travailleurs et les entreprises du Canada, financer directement nos provinces et territoires, acheter des vaccins, de l’équipement de protection individuelle et des technologies de dépistage, fournir des chambres d’hôtel à ceux et celles qui sont en quarantaine et embaucher du personnel pour la recherche des contacts.

Et au printemps dernier, lorsqu’on en avait besoin, les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes sont intervenus pour s’occuper de nos aînés et les protéger.

Nous faisons tout ce qu’il faut pour assurer que les Canadiens restent en santé, en sécurité et en mesure de respecter leurs engagements financiers.

Bien entendu, cette approche est parfaitement conforme aux valeurs de notre gouvernement. Nous croyons fermement en un Canada où nous prenons soin les uns des autres, particulièrement des plus vulnérables d’entre nous – les aînés, les femmes, les jeunes, les peuples autochtones, et les autres Canadiens racialisés, tels que les Noirs. Et je suis fière de dire que c’est ce que font les Canadiens, avec le soutien de notre gouvernement, d’un océan à l’autre.

Je pense que vous êtes tous en mesure de constater que notre réponse correspond aux idéaux profonds de notre gouvernement, mais j’ai l’impression que vous êtes peut-être moins convaincus de la logique économique derrière notre approche.

C’est ce que je vous présenterai ici aujourd'hui.

Nos politiques viennent du cœur, c’est certain. Mais elles sont tout aussi motivées par un calcul économique prudent et impartial, qui est extrêmement important. Parce qu’en vérité, nous traversons un moment particulier de l’histoire où faire ce qui est bien – se soutenir les uns les autres dans l’épreuve – correspond exactement à ce qu’il faut faire pour maintenir la force de notre économie pendant que le coronavirus ravage le monde.

Notre premier calcul économique est le plus simple. Lutter contre le coronavirus coûte cher. Les soins médicaux, l’équipement de protection individuelle, les médicaments, les vaccins, les tests de dépistage et la recherche des contacts coûtent de l’argent.

Et la lutte contre le coronavirus comporte également un coût secondaire – un coût encore plus élevé.

Nous avons appris au cours de cette pandémie qu’elle ne peut être ralentie et freinée qu'en limitant les contacts sociaux – ce qui signifie restreindre l'activité économique. Cela veut dire qu'il faut demander à ceux et celles qui sont malades ou qui ont des enfants malades de rester à la maison et de ne pas aller travailler.  

Cela veut dire qu’il faut demander aux restaurants de servir moins de personnes ou de fermer complètement leur salle à manger. Cela signifie qu’il faut limiter les déplacements transfrontaliers, même à l’intérieur de notre propre pays.

Maintenant, si on voulait se faire l'avocat du diable, on pourrait dire que ces restrictions économiques n’ont pas nécessairement à venir alourdir le budget fédéral. Selon certains, le fardeau de la pandémie pourrait reposer principalement sur les épaules des personnes directement touchées. Ce serait, je suppose, une solution où chacun tenterait de se débrouiller par soi‑même comme il le peut.

Mais cette notion s’écroule face à la réalité – comme le plan de bataille d’un général lorsqu’il entre en contact avec l’ennemi.

Dans le concret, c’est simplement impossible, en plus d’être injuste, de demander aux travailleurs de rester chez eux ou aux entreprises de fermer leurs portes sans leur accorder le soutien financier dont ils ont besoin pour compenser leur perte de revenus.

Les travailleurs et les entreprises refuseraient tout simplement d’obéir, ce qui causerait une déchirure dans notre tissu social, comme cela s’est produit dans d’autres régions du monde, entraînant des conséquences mortelles.

Par conséquent, nous avons apporté de l’aide à ceux qui en avaient besoin, et nous continuerons de le faire. C'est l’approche la plus intelligente à adopter sur le plan économique. Et cela nous ramène au principe directeur de notre réponse à la pandémie : notre économie ne pourra se rétablir complètement que lorsque nous aurons vaincu le virus.

Cela m’amène au deuxième calcul qui sous‑tend nos dépenses liées au coronavirus. Le voici : face à cette pandémie mondiale, l’approche la plus judicieuse à adopter sur le plan macroéconomique consiste à aider les entreprises et les familles canadiennes à traverser cette période sans se ruiner. Nous voulons offrir à nos entreprises et aux familles un pont afin de permettre au plus grand nombre possible d’entre elles de passer à travers en restant viables et intactes.

Comme je l’ai dit, c’est une approche empreinte de compassion. Mais c’est également l’approche la plus pragmatique.

Le choc économique dont nous sommes témoins en raison de la COVID-19 est différent des crises que j'ai couvertes en tant que journaliste et rédactrice financière, que ce soit la crise financière de 2008, la crise monétaire asiatique de 1997-1998 ou la chute du communisme dix ans plus tôt. Il ne découle pas d’un défaut de conception dans notre économie ou dans nos entreprises. Nous n’en sommes pas arrivés là par cupidité ou par imprudence. Ce n’est pas une correction du marché. Il s'agit d'un choc totalement exogène. Nos citoyens et nos entreprises souffrent sans que ce soit de leur faute. Il serait monstrueux qu'un gouvernement les abandonne à un moment comme celui-ci.

Ce serait non seulement cruel, mais une erreur économique. Parce que la rapidité et l’amplitude de notre relance éventuelle seront directement liées à notre capacité de limiter les blessures économiques causées par la récession liée au coronavirus.

Si nous pouvons réduire au minimum les dommages économiques permanents, si nos entreprises sont en mesure de reprendre pleinement leurs activités dès la levée des restrictions et si les familles canadiennes ont les moyens de dépenser pour obtenir les biens et services qu’elles voudront et dont elles auront besoin à ce moment-là, une fois le virus vaincu, notre relance se fera de manière plus rapide et sera plus solide.

C’est la leçon que nous avons apprise de la récession de 2008, où trop de pays ont vu leur relance entravée par les dommages subis durant le déclin économique et ralentie par un resserrement budgétaire prématuré dans les années qui ont suivi. 

Pour que le petit restaurant familial ou le fabricant de taille moyenne revienne plus fort, il doit d'abord survivre à l'hiver. Les propriétaires doivent être capables de payer le loyer. Ils doivent conserver leur personnel expérimenté et compétent. Pour que notre économie revienne en pleine force au printemps, nous devons faire en sorte que nos entreprises ne ferment pas définitivement leurs portes pendant les mois sombres et froids qui nous attendent.

Comme l'a dit le premier ministre, nous pouvons faire et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter les pertes d'emplois et les fermetures d'entreprises, et pour minimiser le déclin de l'activité économique. Ce faisant, nous faciliterons la relance du Canada, une fois que nous aurons un vaccin.

Mais nous savons que certains dommages sont inévitables. Après tout, ce virus a déjà provoqué la plus grave récession mondiale depuis la Grande dépression.

C'est pourquoi la limitation des dommages est une condition nécessaire, mais à la fois insuffisante pour une croissance future. Ceci m'amène à l'étape suivante de notre plan.

Pour que notre relance soit aussi vaste, solide et complète que possible, nous devrons nous donner les moyens de nous en sortir. La façon qui nous permettra d’émerger le plus rapidement et le plus efficacement de la récession liée au coronavirus consiste à faire des investissements ciblés et soigneusement réfléchis à grande échelle.

Ce sera la dernière tâche inscrite à notre ordre du jour, une fois que nous aurons vaincu la COVID-19. Et j'en dirai plus à ce sujet au cours des prochaines semaines.

Cela dit, dans une certaine mesure, il n’y a pas de controverse dans le raisonnement que je vous ai présenté ici. Nous sommes Canadiens. Nous savons que les dépenses gouvernementales dans les soins de santé sont efficaces. Personne d’entre nous ne considère comme juste ou acceptable de voir une travailleuse ayant perdu son emploi à cause de la COVID-19 se retrouver incapable de nourrir ses enfants, de payer ses factures ou de garder sa maison.

Nous voulons tous que nos chers cafés locaux restent en affaires, même si la pandémie gruge leurs marges déjà minces. Et, connaissant les répercussions à long terme de la Grande récession, nous comprenons que des mesures de stimulation vigoureuses de la part du gouvernement fédéral sont essentielles pour nous sortir d'un grave ralentissement.

La situation est pire qu’en 2008. C’est logique de penser qu’il faut investir plus, et non pas moins.

Par conséquent, les préoccupations face aux dépenses liées à la pandémie ne portent pas sur nos objectifs ou nos intentions. Elles portent sur notre capacité. Les Canadiens sont prudents quand il est question des finances du pays. Je le sais sur un plan très personnel. Je viens d’une région rurale du nord de l’Alberta, là où l’idée de saupoudrer de l’argent n’est pas très ancrée dans la culture. Et la question qu’on me pose là-bas, tout comme au centre‑ville de Toronto, est la suivante : pouvons‑nous nous le permettre?

Je vais d’abord vous donner une réponse simple, que je développerai ensuite.

La réponse simple est : oui, nous le pouvons.

Permettez-moi de vous dire pourquoi.

D’abord, nous sommes entrés dans la crise avec les moyens financiers dont nous avions besoin pour réaliser notre plan. C’est un fait, et non une opinion. Quand la COVID-19 nous a frappés, le Canada avait le plus faible ratio de la dette nette nationale au PIB parmi les pays du G7. Aujourd’hui, même après la plus forte explosion de dépenses d’urgence depuis la Seconde Guerre mondiale, le Canada devrait conserver le plus faible ratio de la dette nette nationale au PIB au G7.

À notre solidité financière relative s’ajoute la conjoncture économique mondiale. Les taux d’intérêt ont rarement été aussi bas, en particulier pour des piliers économiques comme le Canada. Malgré nos dépenses sans précédent pour lutter contre le coronavirus, les frais d’intérêt qui incombent au Canada en ce moment n’ont jamais été aussi bas en 100 ans, en proportion du PIB.  

Vous avez bien compris : au cours du dernier siècle, on n’a jamais payé aussi peu d’intérêts sur notre dette par rapport à la taille de notre économie.

Pour mettre les choses en perspective : en 1995, les frais de service de la dette du Canada en pourcentage du PIB étaient de 6 %. Aujourd’hui, même si nous avons fait des dépenses sans précédent pour combattre la pandémie ces derniers mois, les frais devraient atteindre 0,9 % du PIB.

Et nous allons conserver ces faibles coûts, car nous allons placer une plus grande dette dans des instruments à long terme, qui seront assortis de ces taux qui n’ont jamais été aussi bas. 

Cela dit, les Canadiens d’un certain âge – et j’admets en faire partie – craignent souvent l’endettement de leur gouvernement. Rappelons-nous le choc financier des années 1990, quand le Canada était au bord de l’insolvabilité. 

Et ceux pour qui le souvenir des réalisations de Paul Martin et Jean Chrétien est cher se rappelleront comment les Canadiens, avec un sens du sacrifice et un courage exceptionnel, se sont sortis du gouffre de la dette et ont constitué l’arsenal budgétaire qui nous est tant utile aujourd’hui.  

C’est toute une génération de Canadiens qui a tiré des leçons de ses craintes et de ses victoires. Cependant, seul un piètre général se livre à la dernière guerre. Et la réalité, c’est que la conjoncture économique mondiale n’est plus du tout la même.  

En fait, aucun des facteurs qui ont mené à la crise financière des années 1990 ne tient aujourd’hui. Je vous le répète : aucun.

Il est vrai que les taux d’intérêt ont facilement dépassé le taux de croissance dans les années 1980 et 1990. Mais comme l’a affirmé l’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, Olivier Blanchard, dans un rapport phare paru en 2019, il semblerait que ces deux décennies soient des anomalies. Au cours des quatre-vingts dernières années, à l’exception des années 1980 et 1990, la tendance a été la même que celle dont nous sommes témoins aujourd’hui, où le taux de croissance dépasse les taux d’intérêt. 

Dans un monde industrialisé où la population est vieillissante et où il y a une tendance à la stagnation séculaire, la déflation et la croissance inférieure à la normale pourraient vraisemblablement représenter des risques plus importants que la double menace de l’inflation et de la spirale de l’endettement que les premiers ministres Chrétien et Martin ont réussi à vaincre dans les années 1990.

En conséquence, nous vivons aujourd’hui dans un monde où les risques de l’inaction financière pèsent plus lourd que les risques associés à l’action. Il est plus dangereux et il pourrait être plus coûteux d’en faire trop peu que d’en faire trop.

Ce n’est pas une opinion personnelle. C’est un consensus, notamment parmi les grandes banques canadiennes. Dans un document paru le mois dernier, le groupe Marchés des capitaux de la CIBC a affirmé que [traduction] « les gouvernements devraient profiter des taux d’intérêt extrêmement faibles pour accroître leurs emprunts et leurs dépenses afin d’échapper aux foudres de la COVID ». Il poursuit en affirmant que « l’endettement massif est moins à craindre si, comme nous nous y attendons, les taux d’intérêt ne reviennent pas au niveau des années 1980 ou 1990 ».  

Tout comme il n’y a pas d’athées dans les tranchées, il semblerait y avoir peu d’adeptes d’Ayn Rand en temps de pandémie. Nous la traversons tous ensemble.

Mais même en prononçant ces mots, je ressens ici un certain malaise typiquement canadien. Après tout, nous sommes les fiers héritiers d’une société bâtie sur des idéaux de paix, d’ordre et de bon gouvernement, et les changements révolutionnaires sont moins à notre goût. La prudence est une vertu tout à fait canadienne.

Rappelons-nous quand même que le Canada est un pays immensément diversifié, ancré dans la résilience et la sagesse des peuples autochtones et dans le courage et l’endurance des immigrants qui ont fait face à une multitude de risques pour s’inventer une nouvelle vie ici. Et ce fut la même chose pour leurs descendants. Comme Margaret Atwood l’a conclu dans son étude sur la littérature canadienne, notre pays est d’abord et avant tout un pays de survivants. Et l’une des premières leçons de survie est de faire tout ce qu’il faut, et tout ce qu’on peut, quand le loup guette la bergerie.

Pour employer une métaphore plus inoffensive, nous pourrions dire que la rigueur budgétaire a pour objectif de nous préparer aux jours plus sombres. Et je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que nous vivons des jours très sombres en ce moment. Lorsque nous sommes dans une telle obscurité et que nous avons les moyens de nous acheter des ampoules, ce n’est pas seulement imprudent de ne pas le faire; c’est absurde.    

Comme l’a remarqué récemment Kevin Carmichael du Financial Post : [traduction] « oui, il est injuste de se défausser de nos dettes sur la prochaine génération, mais il serait pire de lui léguer une économie vacillante ». 

Cela étant dit, permettez-moi de faire une mise en garde importante. Oui, je suis favorable à une vaste politique budgétaire pour combattre la COVID-19 et ressortir plus forts de la récession liée au coronavirus. Cependant, je ne suis pas de ceux qui pensent que le Canada devrait courtiser la Théorie monétaire moderne, selon laquelle les déficits ont peu d’importance pour les gouvernements qui émettent des titres de créance dans leur propre devise.

Que ce soit sur Bay Street ou sur Main Street, il n’y a ni chèque en blanc, ni rien de gratuit.

La vaste approche que nous adoptons sur le plan budgétaire pour lutter contre le coronavirus ne s’étendra pas à l’infini. Elle a ses limites et elle sera mise en place temporairement. Un gouvernement sensé et prudent – deux objectifs que j’accolerais aussi à notre politique – s’impose des limites au lieu d’attendre que les forces extérieures brutales des marchés de capitaux internationaux s’en chargent.

J’en aurai plus à dire bientôt sur les règles et les limites budgétaires qui encadreront notre travail. Aujourd’hui, je me contenterai de dire ceci.

Nous avons l’obligation morale, mais aussi, comme je l’ai déjà expliqué, une obligation économique, de lutter contre le coronavirus de toutes nos forces et d’offrir à nos citoyens et à nos entreprises les moyens de traverser la pandémie.

Alors que nous luttons contre ce virus, nous devrons réaliser des investissements significatifs pour émerger de la récession liée au coronavirus et veiller à ce que notre économie revienne en pleine force, encore plus vigoureuse qu’avant.

Pour ce faire, nous devrons établir les fondements d’une économie verte, d’une économie innovatrice, et d’une économie juste qui assure de bons emplois à l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Nous devrons nous assurer que la relance est durable, robuste et équitable.

Et, par la suite, nous reprendrons la méthode canadienne d’avant la pandémie, celle qui a subi l’épreuve du temps, et qui comprend des garde-fous et des cibles budgétaires. Parce que c’est grâce à cette méthode que nous avons été en si bonne posture pour relever ce défi de toute une génération.

Aujourd’hui, pour étayer mon argumentaire, j’ai cité des faits historiques et des études économiques. Cependant, nous luttons contre le coronavirus depuis plusieurs mois, alors nous commençons à avoir des données de base pour savoir ce qui donne de bons résultats sur le plan économique et ce qui n’en donne pas.

Et la bonne nouvelle, c’est que l’intervention du Canada contre la COVID-19, que ce soit les mesures de santé publique, le soutien aux provinces et territoires ou les programmes économiques d’urgence qui aident les travailleurs et les entreprises, ont favorisé un rebond prometteur, quoiqu’inégal, sur le plan de l’emploi.   

La semaine dernière, des économistes de la Banque TD ont constaté que la croissance de l’emploi au Canada dépasse celle des États-Unis – l’économie internationale avec laquelle nous entretenons les liens les plus étroits.

Cette divergence a amené la Banque à proposer de modifier l’adage bien connu voulant que lorsque les États-Unis éternuent, le Canada attrape la grippe. Les analystes ont proposé que l’on dise : « lorsque les États-Unis éternuent, le Canada se fait des anticorps ».   

Je vais conclure en replaçant nos discussions dans un contexte international.

Il y a deux semaines les réunions du FMI et de la Banque mondiale ont eu lieu. Cette année, elles se sont tenues virtuellement, bien entendu.

Deux choses m’ont frappée au sujet de ces réunions.

D’abord, un consensus clair s’est dégagé : pour les pays qui peuvent se permettre d’emprunter et de dépenser, l’heure n’est pas aux demi-mesures. Les ministres des Finances du monde entier étaient d’accord pour dire que les risques que l’on court en retirant le soutien trop vite seraient plus grands que les dangers associés à de trop grandes dépenses.

Ensuite, il est largement reconnu à l’échelle internationale que, les taux d'intérêt étant près de zéro, la politique monétaire est à court de munitions. Nous devons donc nous tourner vers la politique budgétaire pour nous sortir de cette récession en favorisant la croissance.

Il y a une génération, faire preuve de prudence signifiait réduire considérablement les dépenses publiques. Aujourd'hui, la prudence exige que nous soutenions nos citoyens et nos entreprises alors qu’ils luttent contre cette pandémie, afin qu’ils puissent la traverser et, en fin de compte, profiter de la période de relance qui suivra.

Il convient de noter que les principaux promoteurs d’une vaste politique budgétaire en 2020 ne sont autres que les économistes à l’œil aiguisé du FMI qui, autrefois, étaient les grands prêtres de l’austérité.

On peut lire ce qui suit dans un article publié dans le Financial Times saluant ce tournant historique [traduction] : « Le coronavirus a entraîné des perturbations économiques d'une ampleur jamais vue depuis la Seconde Guerre mondiale. Comme ce fut le cas après 1945, des investissements de l'État sont nécessaires pour rebâtir les économies et créer des emplois. D’après le FMI, un resserrement budgétaire prématuré au lendemain de la crise aura pour effet de nuire aux économies plutôt que de les aider à se rétablir. C’est un message qui devrait être salué et pris en compte par les politiciens. »

Je n'aurais pas pu mieux le dire moi-même. C'est la façon dont le monde doit procéder, y compris le Canada. Et c'est une politique à laquelle j’attache une très grande importance, en tant que politicienne canadienne.

Merci.